Le monde de l’énergie à l’heure de la blockchain

9 janvier 2017

Apparue dans le secteur financier, la technologie blockchain gagne d'autres secteurs tels que l'énergie, où elle ouvre de nouvelles perspectives susceptibles de générer d'importantes économies.

« Aussi simple qu'en mail pour l'utilisateur », cette chaîne de blocs de données validés s'ajoutant les uns aux autres pour venir confirmer une transaction laisse circonspects certains acteurs économiques, tandis que d'autres se sont lancés dans une course de vitesse. Le secteur financier, attiré par les gains opérationnels que permet notamment la disparition des tiers de confiance, est le plus avancé en matière. Depuis le bitcoin, la crytptomonnaie lancée en 2009, les applications se sont sophistiquées et s'élargissent à d'autres secteurs.

Bientôt un pilotage automatisé de systèmes énergétiques décentralisés

Dans l'énergie, l'initiative pilote menée à Brooklyn, permettant à une dizaine de foyers consommateurs et producteurs d'énergie solaire de s'échanger de l'électricité verte, a défrayé la chronique. Mais en dehors de l'échange direct d'électricité en peer-to-peer, d'autres applications de la blockchain, moins spectaculaires, n'en génèrent pas moins d'importantes économies, comme le souligne Pascale Jean, associée responsable du secteur énergie chez PwC.

Le cabinet vient en effet de mener une étude intitulée « Blockchain : an opportunity for energy producers and consumers ? », à l'origine pour le compte de l'association des consommateurs de la région allemande de Rhénanie en Allemagne. Système de facturation automatisé, relevé, décompte et l'archivage automatisés ; systèmes de documentation de l'état des installations photovoltaïques ou des compteurs intelligents ; tenue des registres de certificats d'authenticité pour l'électricité verte ou d'attestations de quotas de CO2... autant de solutions au potentiel avéré, qui devraient favoriser l'autoconsommation collective. Et même, à terme, permettre le pilotage automatisé de systèmes d'énergie décentralisés, sur la base de « smart contracts » que permet la blockchain. Sur la base de critères définis à l'avance, ces derniers déclenchent certaines transactions de façon automatique, tout en permettant la rencontre autonome entre fournisseur et demandeur.

Des freins opérationnels et économiques

En France cependant, l'ordonnance de juillet 2015 concernant l'autoconsommation ne permet les échanges d'électricité qu'entre producteurs et consommateurs reliés à un même point de basse tension, autrement dit, à l'intérieur d'un même immeuble ou d'un lotissement. C'est ce que vont tester Bouygues et Microsoft en 2017 à Lyon Confluence. Mais impossible, pour le moment, de passer à l'échelle supérieure, quartier voire village. Et ça n'est là que l'un des nombreux obstacles opérationnels et économiques qui freinent un déploiement plus rapide de la blockchain dans l'énergie. La co-existence de réseaux centralisés et décentralisés en particulier pose de nombreuses questions : qui est responsable de l'équilibre des réseaux ? De gérer l'interface entre les réseaux décentralisés et le réseau centralisé ? Comment sont financés les réseaux de distribution (dont les opérateurs sont aujourd'hui rémunérés en grande partie en fonction du volume d'électricité qu'ils transportent) en cas de fort développement de l'autoconsommation ?

Valider l'intérêt pour le consommateur et la rentabilité pour l'opérateur

En Allemagne, où cette décentralisation est largement installée, les initiatives d'application de la blockchain à l'énergie sont plus nombreuses. Surtout, loin de rester l'apanage de petites structures à la pointe de l'innovation, elles intéressent aussi de grands énergéticiens. Ainsi Vattenfalls teste aux Pays-Bas l'échange d'électricité entre quelques-uns de ses clients. Objectif de ces différents projets pilotes : valider l'intérêt en termes d'usage pour le consommateur et la possibilité pour l'opérateur de déployer de nouveaux services, sachant que le passage à l'échelle exige de grandes capacités de calcul.

Quant à RWE, en fort mauvaise posture et contraint de trouver des relais de croissance, il peaufine avec Microsoft et la startup Slock.it une borne de recharge pour véhicules électriques qui pourrait lever l'un des principaux obstacles au développement de la mobilité électrique grâce à la simplicité de son mode de facturation. Grâce à la blockchain, pendant que le conducteur garerait son véhicule - le temps d'un achat en magasin, par exemple -, la voiture se connecterait automatiquement sur la borne pour se recharger. Grâce à la technologie blockchain, la borne de recharge calculerait automatiquement l'électricité fournie dès que le conducteur quitterait la place de stationnement.

En dépit de ces perspectives prometteuses, "à l'heure actuelle, il n'est pas encore possible d'affirmer si la blockchain parviendra ou non à s'imposer dans le secteur de l'énergie, précise Pascale Jean. Cette question dépend en effet aussi et surtout du cadre réglementaire et juridique, de l'évolutivité de cette technologie et de sa résilience, ainsi que de la rentabilité des investissements."